Écrire
la Révolution : 1784-1795 Lettres à Pauline,
Gaston de Lévis, correspondance présentée
et annotée par Claudine Pailhès.- Cahors : La Louve
Éditions, 2011.- 575 p. (26 €)
Le
mot de l'éditeur : « Cet ouvrage livre une correspondance
d'environ 300 lettres de Gaston de Lévis, élu en
1812 à l'Académie Française. Cette correspondance
est exceptionnelle à plus d'un titre. Gaston de Lévis
écrit à son épouse Pauline entre les années
1784 et 1795. Outre l'uvre littéraire tout à
fait remarquable que constituent ces lettres, il s'avère
qu'elles sont aussi - et même surtout, une source historique
rare : écrivant de Paris, de Versailles, puis de toute
l'Europe, Gaston de Lévis raconte quasiment au jour le
jour la Révolution française et les années
troublées qui ont suivi. Ainsi, après avoir été
député de la noblesse aux États Généraux
en 1789, il s'est retrouvé engagé auprès
des armées coalisées (il était à Valmy,
au débarquement de Quiberon...) et il raconte tout cela
avec force détails, sans jamais se départir d'un
humour décapant : la lettre décrivant un duel au
pistolet à la Barry Lyndon, l'humour en plus (" Ils
pourraient tirer toute la journée sans se toucher "),
est d'une grande drôlerie. Il se fait ainsi le fidèle
rapporteur des remous historiques qu'il vit de l'intérieur.
Attaché à la famille royale, il est un témoin
avisé et sagace, il a ses entrées à la Cour
et derrière les portes closes. Ces lettres permettent également
d'entrer dans la mentalité des nobles de l'époque,
montrant à quel point tous les émigrés n'étaient
pas issus du même moule. Depuis les quatre coins d'une Europe
qui vibre, Gaston de Lévis écrit l'Histoire, en
n'oubliant jamais le lieu où son coeur est en dépôt,
auprès de " sa " Pauline. »
L'avis des Riches heures :
À l'heure où la plupart des grandes maisons d'édition
parisiennes se contentent de publier des livres sur des thèmes
éculés, des rééditions de vieux succès,
des ouvrages purement commerciaux (commémorations diverses,
textes sur des sujets d'actualité parfois rédigés
en quinze jours...), ou des prix littéraires distribués
dans une toute relative transparence, les perles de lecture sont
désormais à dégotter chez les éditeurs
indépendants.
Nous avons trouvé l'une
de ces perles : les lettres envoyées par Gaston de Lévis
à sa femme Pauline, entre 1784 et 1795. Sur fond d'histoire
d'amour entre un homme et une femme à la fin du XVIIIe
siècle, c'est toute la Révolution française
que cet ouvrage permet d'aborder sous un angle nouveau. Gaston
de Lévis est d'abord un grand voyageur, qui chemine par
les mauvaises routes de l'Empire allemand, rencontre le roi de
Prusse Frédéric II, visite Prague, Moscou, Saint-Pétersbourg...
Ça, c'était sa vie d'avant, d'avant le 14 juillet
1789, date à laquelle il implore sa femme : « Partez
tout de suite, je le désire, je le veux. »
Gaston de Lévis siège aux États Généraux,
à la Constituante, puis à l'Assemblée législative.
C'est un modéré, admirateur de la monarchie parlementaire
anglaise, fervent partisan de Mirabeau et des réformes
qu'il préconise, tout en redoutant les dérapages
qu'il sent imminents : « Pauvre France. Quel malheur le
peuple se prépare. » Gaston est de tous les coups
durs, comme la défense des Tuileries le 20 juin 1792 (Louis
XVI coiffé du bonnet phrygien), la canonnade de Valmy (20
septembre 1792) à laquelle il assiste du haut du célèbre
moulin, l'expédition avortée sur Granville (1793),
l'odyssée de Quiberon (1795) qui se solde par un bain de
sang. Sans cesse tiraillé entre ses idées tolérantes
(il est un vrai fils des Lumières), son amour pour sa patrie
et sa fidélité à son roi et à son
Dieu, il est finalement le jouet des évènements
et rejoint les rangs des émigrés. Lorsque les premiers
symptômes de la Terreur se font ressentir, c'est à
contrecur que Gaston prend les armes contre la France...
Ces « Lettres à Pauline
», soigneusement annotées et présentées
par Claudine Pailhès, sont le témoignage poignant
de l'état d'esprit d'un homme profondément honnête,
emporté dans l'un des plus irrésistibles tourbillons
de l'Histoire de France. Pour notre bonheur, il est particulièrement
prolixe et ne cache rien à sa femme. Grâce à
lui, nous savons donc tout... ou presque ! À lire impérativement
!