L'étrange
défaite, Marc Bloch.- Paris : Folio Histoire, 1990.-
328 p.
L'Ouvrage
: « Ces pages seront-elles jamais publiées ?
Je ne sais. Il est probable, en tout cas, que, de longtemps, elles
ne pourront être connues, sinon sous le manteau, en dehors
de mon entourage immédiat. Je me suis cependant décidé
à les écrire. L'effort sera rude : combien il me
semblerait plus commode de céder aux conseils de la fatigue
et du découragement ! Mais un témoignage ne vaut
que fixé dans sa première fraîcheur et je
ne puis me persuader que celui-ci doive être tout à
fait inutile. Un jour viendra, tôt ou tard, j'en ai la ferme
espérance, où la France verra de nouveau s'épanouir,
sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons,
la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers
cachés s'ouvriront ; les brumes, qu'autour du plus atroce
effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant,
à accumuler tantôt l'ignorance et tantôt la
mauvaise foi, se lèveront peu à peu ; et, peut-être
les chercheurs occupés à les percer trouveront-ils
quelque profit à feuilleter, s'ils le savent découvrir,
ce procès-verbal de l'an 1940. »
L'avis des Riches heures :
A ceux qui ne connaissent pas luvre de Marc Bloch,
nous nous contenterons de dire quil réforma profondément
lapproche de lhistoire médiévale dans
notre pays. Mais au-delà du chercheur dexception
quil fût, il se montra également un homme engagé
pour sa patrie et ses convictions. Il participa à la première
guerre Mondiale et y récolta citations et décoration.
Trop âgé pour se battre en 1939, il demanda néanmoins
à être mobilisé et à contribuer à
leffort de guerre de son pays. Après la débâcle
et larmistice de juin 1940, il ne cessa pas la lutte et
sengagea dans la résistance. Capturé en mars
1944 et torturé, il termina son existence le 16 juin devant
le peloton dexécution en hurlant « Vive la
France ». Cette « Etrange défaite »,
écrite à lété 1940, fut publié
à titre posthume et apparaît comme un cri venu doutre-tombe.
Marc Bloch nous y livre à chaud ses impressions sur la
cuisante défaite de 1940, désignant ceux quil
estime justement responsables du désastre. Il dénonce
pêle-mêle la vétusté de matériels
dépassés, les généraux détat-major
arc-boutés sur des conceptions stratégiques passéistes
: « Les Allemands ont fait une guerre daujourdhui,
sous le signe de la vitesse. Nous navons pas seulement tenté
de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de lavant-veille
[
] Nous avons en somme renouvelé les combats, familiers
à notre histoire coloniale, de la sagaie contre le fusil.
Mais cest nous, cette fois, qui jouions les primitifs. »
A lire absolument !