Histoire
du méchant loup, Jean-Marc Moriceau - Paris, Fayard,
2011.- 634 p.
L'Ouvrage
: « Le changement de conception de la place de l'homme
dans l'univers et le souci revendiqué de défendre
la biodiversité ont revalorisé l'image du loup.
Avec son retour dans les Alpes, le renversement de perspective
crée un fossé au sein de l'opinion publique et accroît
les tensions entre les acteurs des espaces pastoraux et les gestionnaires
de l'environnement. Dans ce débat souvent passionné,
les attaques de loups qui, des siècles durant, l'ont classé
parmi les prédateurs les plus nuisibles pour l'homme sont
remises en cause. Comme l'agression connotée la plus négativement,
celle du loup considéré comme mangeur d'hommes.
Pour circonscrire les enjeux d'une question si sensible, il importait
d'y voir plus clair. De quels témoignages dispose-t-on
et quelle en est la validité ? Comment distinguer les attaques
d'animaux anthropophages des cas de rage ? Pour quelle évolution
chronologique et quelle répartition géographique
? Comment identifier les agresseurs et quelle en fut leur perception
culturelle ? Quelles techniques de prédation étaient-elles
mises en uvre ? Quel fut l'impact démographique et
sociologique des attaques ? Quel risque effectif le loup fit-il
peser sur l'homme ? Pour répondre à ces questions,
l'ouvrage a mobilisé les témoignages et les travaux
publiés sur plus de cinq siècles d'observation -
de la guerre de Cent Ans à celle de 1914 - et rassemblé
un corpus statistique de plus de 3000 actes de décès,
de 1580 à 1830. Aucune synthèse historique n'avait
engagé jusqu'ici une enquête aussi large sur l'ensemble
du territoire français. Le travail est loin d'être
terminé : l'ouvrage convie à élargir la recherche
et à envisager les autres aspects du rapport entre le loup
et l'homme. Car finalement, au-delà de l'explication donnée
à un fait qui ne va plus de soi, l'étude réalisée
renseigne davantage sur l'organisation spatiale des activités
humaines que sur l'évolution biologique de l'animal. Le
loup est un révélateur des choix de société.
»
L'avis des Riches heures :
C'est en historien impartial et non en défenseur ou en
pourfendeur du loup, que l'auteur de ce passionnant ouvrage traite
d'une question éminemment sensible, sur fond de réapparition
du prédateur en France et de querelle autour de la question
des dégâts commis sur les troupeaux. Certains éthologistes
affirment haut et fort que le loup n'agresse jamais l'homme, dont
il craint la verticalité, sauf lorsqu'il est enragé.
Ses détracteurs l'accablent en revanche de tous les maux
et trépignent d'impatience à l'idée de l'éradiquer
de nouveau. Au-dessus des passions, l'étude de Jean-Marc
Moriceau présente des faits et seulement des faits, sur
lesquels il s'appuie pour donner un cadre général
aux relations complexes entre le loup et l'homme. Il peut ainsi
établir une typologie des victimes potentielles (généralement
des enfants isolés gardant des troupeaux) et esquisser
un bilan géographique, temporel et surtout contextuel.
Quelle que soit l'opinion de tout un chacun, les faits sont les
faits et ils sont têtus. Cela n'empêche nullement
d'avoir un regard positif sur cet animal fascinant, qui mérite
d'être protégé après des siècles
de persécution systématique, et de voir d'un bon
il son retour sur le sol français. Ce qui est notre
sentiment... Le loup est un prédateur opportuniste luttant
pour sa survie : comme un crocodile ou un tigre, il accomplit
ce pourquoi la nature l'a programmé, jouant un rôle
essentiel dans les écosystèmes où il est
présent. Sans cruauté inutile ni violence gratuite,
ce qui n'est pas le cas de son principal ennemi... à deux
pattes... SWG.